Les Scouts et Guides de France dans le Val de Marne

  Les compagnons de Nogent et de Fontenay sous Bois au Nicaragua en 2002

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Le projet était mentionné dans le numéro de février 2003
de la lettre aux amis et aux parents des Scouts de France

Ce projet, intitulé Un toit pour tous, Nicaragua 2002, a été mené par 5 compagnons de Nogent sur Marne et Fontenay sous Bois :

Philippe Habourdin, 18 ans
Nicolas Cabridain, 19 ans,
Cécilia Favel, 19 ans
Tristan False, 18 ans,
Sylvain Beaufort, 19 ans.

On trouvera ci-dessous quelques informations sur la préparation du projet ainsi que leur compte-rendu.

Définition du projet en 2001

Le projet :

Le projet compagnon représente l'aboutissement de nombreuses années de scoutisme. Entre épanouissement personnel et don de soi, il est le rêve de tout compagnon et l'étape la plus importante du parcours. C'est dans cette optique que nous souhaitons tous nous investir jusqu'au bout dans l'aventure commune et tout mettre en œuvre pour la mener à bien.

Dès le départ nous avons décidé de nous rendre dans un pays étranger touché par la pauvreté. Nous voulions à la fois être utiles et découvrir une région du monde qu'aucun de nous ne connaissait. Notre choix s'est finalement porté sur le Nicaragua car c'est un pays très touché par les problèmes de tornades et de tremblements de terre et peu aidé par les associations humanitaires.

Un projet d'équipe :

Cet été nous allons donc partir pendant cinq semaines (du 23 juillet au 27 août) à Esteli qui se situe au nord de la capitale Managua.

Là-bas, nous participerons à la construction de deux maisons en collaboration avec le père Jean Loison, missionnaire. Notre travail consistera à construire entièrement ces maisons : nous ferons des parpaings avec du ciment ; Ceux-ci nous permettrons de faire les fondations et les murs. Le toit sera fait d'une charpente en bois couverte de tôle.

L'association avec laquelle le père Jean Loison agit nous permettra d'avoir l'aide d'un maçon professionnel.

Cette association est bien sûr à but humanitaire mais impose une contrainte à ceux qu'elle aide. En effet, il est obligatoire qu'au moins une personne de la famille aidée soit présente et travaille sur le chantier. De cette façon nous ne ferons pas de l'assistanat mais de l'entraide, ce qui nous semble bien plus

intéressant et nous pourrons en plus avoir un contact direct avec les gens que nous aiderons.

Nous serons logés chez l'habitant durant notre séjour, avec l'aide du relais paroissial sur place. Nous souhaitons de cette façon rendre service à la population mais aussi apprendre à la connaître pour mieux comprendre son mode et ses conditions de vie. Nous comptons échanger autant que possible avec les habitants car en partageant leur espace, leurs repas, leurs vies, nous arriverons à partager leurs peines, leur souffrance et leurs joies.

Notre projet principal est la construction, mais à celui-ci viennent se greffer d'autres projets de moins grande envergure.

Nous voulons acheminer des antibiotiques à un dispensaire dont s'occupe le prêtre (il est professeur dans une école d'infirmières nicaraguayennes).

Nous voulons trouver des balles de tennis usagées pour donner aux enfants. Ils s'en serviront pour jouer au base-ball qui est l'équivalent du football chez nous.

Nous voulons amener une " valise bleue " : une valise de cadeaux ou dessins, donnés, faits ou dessinés par des scouts français âgées de 11 à 15 ans à l'intention des enfants nicaraguayens.

Nous voulons, si notre budget est suffisant, financer l'achat du matériel pour une maison. Ce coût est de 1500€.


Notre préparation :

Nous avons décidé de ce projet à la fin de notre dernier camp d'été, fin juillet 2001. Dès le début de l'année scolaire nous avons commencé à chercher des renseignements et des contacts.

Nous avons suivi les 17/11/01, 18/11/01 et 17/03/02 des formations "Scout de France" spécialement conçues pour les camps à l'étranger. Cela nous a permis de voir que l'improvisation ne doit pas avoir sa place !

Nous aurons encore une journées de formation le 5 mai 2002.

Nous avons tous été formés durant nos camps passés à quelques techniques du bâtiment : travail du béton et mise en place de murs en pierre en particulier.

Le père Jean Loison est venu en France durant l'hiver. Nous avons pu le rencontrer et préparer avec lui cette aventure. Nous avons aussi profité de ses explications, ses histoires, son expérience et même d'un reportage de diapositives qu'il avait fait. Cela nous a prouvé, s'il était besoin, que notre aide sera utile et que chacun doit faire en sorte que la vie humaine ne puisse pas se dérouler d'une telle façon.

Nous avons déjà pris tous les renseignements utiles sur le pays à l'ambassade du Nicaragua (climats, passeports, visas, vaccins, monnaie…).

Nous avons réservé, dès qu'il nous a été possible, nos billets d'avion ce qui nous a permis d'avoir les tarifs les plus avantageux possibles. Nous en avons assurés le paiement grâce aux petits "boulots" que nous faisons depuis septembre 2000 et que nous allons continuer jusqu'à juin 2002.

La question financière demeure cependant cruciale puisqu'il est évidemment hors de question que nous soyons en quoi que ce soit à la charge de nos hôtes au Nicaragua.


Compte-rendu du projet

CHAPITRE 1

Nous sommes le 23 juillet 2002. Cinq jeunes, il y a de ça un an, décidèrent de pointer un doigt sur une carte: une destination, un rêve, un Projet. Ces drôles de bonhommes verts sont les compagnons de Nogent sur Marne et de Fontenay sous Bois. Tristan, Sylvain, Cécilia, Nicolas et Philippe. Ils furent amenés à ce pays d'Amérique centrale se nommant le Nicaragua.

Peut-être ne le savez-vous pas, mais voici quelques lignes de son histoire. Situé entre le Costa Rica et le Honduras sur 148 000 km2 et peuplé de 3 millions 900 mille habitants, le Nicaragua est reconnu par les Espagnols dès 1521. Une longue période de colonie rattaché à la Capitainerie générale du Guatemala commence alors, jusqu'en 1821 lorsque l'indépendance est proclamée. Le pays devient alors une république en 1838 après la disparition des Provinces-Unies d'Amérique centrale. Les Etats-Unis et la Grande Bretagne renoncent à toute conquête territoriale dans la région. De 1855 à 1893, les conservateurs se succèderont au pouvoir. Puis jusqu'en 1909, il y aura une forte politique nationale.

Le XXème siècle sera marqué par l'instabilité politique et par le sang.1909, Adolfo Diaz prend le pouvoir après un coup d'état appuyé par les Etats-Unis. Une guérilla s'élèvera contre cette occupation américaine jusqu'à la mort en 1934 de son leader César Sandino. 1936: Anastasio Somoza impose sa dictature, qui dominera jusqu'en 79 quand il abandonne le pouvoir suite à l'insurrection du Front sandiniste. Un nouveau régime s'installe, se rapprochant de l'URSS et de Cuba, tandis que les Etats-Unis soutiennent financièrement et militairement les "contras" (contre-révolutionnaires). Et en 1984, le sandiniste Daniel Ortega est élu à la présidence de la république. Des accords visant à rétablir la paix dans la région sont signés en 87 avec quatre pays d'Amérique centrale: Costa Rica, Guatemala, Honduras et Salvador. Un travail de longue haleine, puisqu'en 1990 la candidate de l'opposition Violeta Chamorro élue à la présidence va mettre en oeuvre une politique de réconciliation nationale vis-à-vis des sandinistes. Provoquant d'énormes tensions depuis 1992.

Pourtant sans même y avoir réfléchi, ils acceptèrent le choix du destin. Ce devait être là. C'est à ce moment que commença l'épopée. Alors ils se mirent à imaginer des aventures, des défis, de grandes causes... Tant de projets qui jaillissaient, des idées plus folles les unes que les autres. Ca allait être un fabuleux voyage.

Aujourd'hui, 16 heures, les paysages défilent sous nos pieds. Les nuages tapissent le ciel moelleusement. Nous sommes déjà bien haut et bien loin de Paris. D'ici un peu moins d'une heure nous serons à Madrid.

Ca y'est, c'est parti, en route pour l'aventure. Cependant il semblerait qu'un certain Tristan pique du nez, ou plutôt risque de gober une mouche. Pourtant, ce n'est rien comparé au travail de forcené qui l'attendait, lui et ses quatre compagnons. Heureusement une petite collation vint nous redonner des forces. Et quel repas! -les sandwichs à l'artichaut, spécial... - Mais il fallait bien en profiter.

Bref dans peu de temps, arrivée à Madrid capitale de l'Espagne. Oui, vous le saviez déjà. Mais tout de même, c'est notre histoire.

Une longue attente se présentait. Un vrai bordel, comme qui dirait. Le temps de se retrouver à l'autre bout de l'aéroport (il fallut prendre un bus), d'attendre l'embarquement, la queue, les passeports, etc... après les multiples barrages de policiers bien peu sympathiques. D'ailleurs, il arriva une petite mésaventure à Cécilia qui faillit rester à Madrid, interceptée par une vieille bique mal aimable comme tout. 10 minutes pour vérifier. Sauvés, nous la récupérions. Puis 1h30 de retard pour le décollage! On s'impatiente là dedans. Enfin notre IB (ibéria) décolle pour Miami, une bien longue traversée. Il y a de l'animation dans l'appareil, c'est même un peu bruyant, n'est-ce pas Sylvain? Ca rigole beaucoup en tout cas. On parle de tout, on dort. Et Nicolas aime dormir aux pieds des passagers, original non? Et Sylvain s'est fait avoir. Il a mis un certain moment à réaliser: "Mais il est où Nico?"; un quart d'heure plus tard: "Ah, aux pieds de Philippe! "

Nous sentions les minutes passer. De plus la compagnie nous offre un écran où apparaît le trajet de notre avion. Ca semblait encore plus interminable. 3h30, la descente est amorcée. En tout cas, ça ne perturbe pas Tristan qui a gardé le casque de radio (oh le vilain!). Vite il faut accrocher les ceintures. - Au passage, on ne comprend rien à ce que racontent les hôtesses et le commandant de bord. C'est pire qu'un avion à prendre qu'ils ont, c'est une fusée! - L'avion pique du nez. Les gens vont-ils applaudir après l'atterrissage réussi (on espère) comme tout à l'heure à Madrid? Oui. Donc nous suivons: "Bravo!"

Arrivée à l'aéroport international de Managua, capitale du Nicaragua, à minuit et quart heure locale. Jean Loison un prêtre missionnaire, et un de ses bras droits Alonzo, nous attendaient. Derrière une vitre ils nous faisaient des coucous. Nous récupérions nos bagages. Nous passions alors cette vitre et posions enfin les pieds sur le sol nicaraguayen. Soulagement et bonheur. Ca y'est, nous y sommes vraiment!

Nous reçûmes alors une énorme vague de chaleur. Sur le parking, une camionnette ou plutôt un pick-up était prêt à partir. Notre chauffeur: Alonzo. A 150 km de là, se trouve la ville d'Esteli. Trois heures de route, engoncés, écrasés, étouffés, à sept! Sept, vous imaginez. Laborieux, car nous devions slalomer entre les vaches. Ce qui nous obligeait à rouler lentement, pas plus de soixante à l'heure. Bref, nous avions vraiment hâte d'arriver et de nous coucher. En attendant, le père Jean Loison nous tenait sérieusement en haleine. Il nous présentait le pays, nous expliquant la manière de vivre ici, et que ça allait être dur. Très bavard ce monsieur. Pauvre Tristan qui était assis à côté, il lui hurlait dans les oreilles. Cependant, il arriva à s'endormir, et sa tête vint s'appuyer sur l'épaule d'Alonzo. Puis une petite pause dans une station service, gardée par des hommes armés. Ouf! On peut se dégourdir un peu les pattes. Il fait déjà plus frais, ça ne fait pas de mal aussi.

3h30, débarquement chez Alonzo qui nous hébergera pour cette première nuit. Sa maison paraît bien modeste comparée aux habitations qui ont défilé dans les rues d'Esteli. Les routes sont de vrais terrains de cross, et le pick-up un vrai tape-cul... Les rues sont formées de longues colonnes de béton. Des grilles ornent pratiquement toutes les bâtisses. Il n'y avait pas un chat. Tout était si calme. Nous verrons plus tard qu'en journée, il y a plus d'animation. A l'intérieur, nous rencontrions la femme d'Alonzo, Modesta, en robe de chambre. Ils étaient tous deux très accueillants et nous mirent bien à l'aise: "Vous êtes ici chez vous". Une petite collation nous était offerte: des gâteaux secs et du coca (boisson nationale). Ca faisait du bien. Les présentations étaient faites et le programme pour le lendemain établi. Mais le sommeil avait alourdi les esprits, et la communication avec nos hôtes devenait assez difficile malgré qu'Alonzo s'applique à parler lentement.

Couchage: Cécilia était expédiée au bout du couloir tandis que les quatre garçons restaient ensemble. Mais nous préférions ne pas laisser la señorita seule. Du coup, Sylvain vint lui tenir compagnie. Une courte réunion avant le dodo. Nous sommes vraiment contents de l'accueil. Les gens sont simples. Ils vivent avec le strict nécessaire et pourtant ils sont bien plus généreux qu'on croirait. Il y a juste la barrière de la langue, mais nous avons confiance. Comme dit Sylvain: "De toute façon, on se débrouillera d'ici deux ou trois jours comme des chefs". Une bonne nuit dans les sacs à viande. Heureusement pas de moustiques à l'horizon.

CHAPITRE 2

Réveil 9h, nous nous étions dit qu'il aurait été déplacé de se lever trop tard. Nous sommes assez frais malgré que nous ayons peu dormi. La maison s'était remplie. Surprenant, ces gens ont une aide ménagère. Il y avait également Liz, leur nièce, et Delfa leur fille, étudiante en informatique à Managua. Liz faisait la timide, et tournait autour des étrangers que nous sommes. Gracieusement le petit déjeuner nous était servi: lait, café, pain, confiture de goyave, une espèce de margarine (le beurre local) et un produit issu directement de leur exploitation, de la crème de lait, en gros du fromage. Fort au goût, Cécilia n'en mangerait pas tous les matins et Sylvain s'en passerait bien. Tristan lui semblait apprécier. Ce petit déj. terminé, nous nous apprêtions à débarrasser ce qui interpella Delfa, qui s'était assise pour discuter. En effet, nous sommes invités et ce n'est pas à nous de le faire. Alors nous avons juste rassemblé les assiettes, tasses et couverts. Puis une bonne douche! Car l'air est humide, même moite. On a la forte impression d'être collants.

Il était temps de poursuivre notre chemin. Nous quittâmes Modesta, Liz et Delfa: "Muchas gracias". Nous embarquâmes avec Alonzo et Ricardo, le "bras gauche" du Père Loison. C'était cet homme qui nous guiderait pour le chantier. Ricardo est en charge pour la paroisse de la zone urbaine, et Alonzo de la zone rurale. Nous allions aussi rencontrer Chepita, une religieuse -qui n'y ressemble pas, d'ailleurs Jean nous avait précisé que ce n'était pas la peine de l'appeler ma soeur-. Nous étions contents car elle parle français, cependant nous apprîmes qu'elle ne souhaitait parler qu'espagnol. Normal, le but étant de s'intégrer.

Lorsque nous vous parlions d'une future animation, elle ne se fit pas attendre. Des écoliers de chaque côté des rues. Leurs uniformes: un pantalon ou une jupe bleu marine accompagné d'une chemise blanche. Ces niños avaient l'air impressionnés, certains intrigués. C'était peut-être nos chemises vertes. Par exemple, un petit garçon imita une marche militaire en nous voyant. Les filles, plus timides, nous regardaient du coin de l'œil. Mais nous avions le droit à de nombreux sourires. Tandis que les adultes nous scrutaient. Sur le palier des maisons, souvent les hommes discutaient. Aux coins des rues de petites épiceries, toutes à l'intitulé de Coca-cola ou Pepsi.

Nous arrivions alors sur la carretera, le deuxième axe principal de la ville. Grande surprise, quel brouhaha! Des taxis partout, voitures, vélos... Les taxis klaxonnaient à tout va, on se demande pourquoi. D'immenses panneaux et des commerces juchent les bords de route. Par contre ce qui était appréciable, lorsqu'on traversait, les véhicules s'arrêtaient automatiquement -ce qui n'est pas vraiment le cas chez nous-. Cependant Ricardo nous prévint de quand même faire attention car il n'y a pas de priorités, c'est à celui qui veut.

Ricardo nous emmenait à travers les " bloces " (les pâtés de maison). Ici les distances, vu qu'il n'y a pas de noms de rue, se comptent en "quadras". En fait la distance d'un carrefour à un autre, ce qui fait environ 100-150 mètres. En effet, Esteli est bâtie sur le plan d'une ville américaine, en quadrillage. C'est très facile de s'y retrouver. Nous prenions d'emblée des points de repère. Nous avions une petite visite guidée: le parc central, la cathédrale, la mairie. Ricardo nous expliquait qu'il y avait cinq paroisses à Esteli, dont celle du Père Loison. Là, il se mit à pleuvoir. Nous nous sommes abrités quelques minutes sous un kiosque au beau milieu ce parc. Un petit tour ensuite par la rue commerçante, et retour. Pause déjeuner à "Las Doñas", sorte de cantine ou fast-food de chez nous. Par contre, la tête de la nourriture ne nous inspirait pas vraiment. Au contraire, le repas sera copieux. Bœuf en sauce, une cousine de la courgette, du riz, poulet, haricots rouges et une banane fumée. C'était bien sympathique. Mais il nous fallait y aller car Ricardo avait du travail.

Nous avions rendez-vous au dispensaire avec le père Loison à 16h30. Jusque là, nous avions le temps de nous installer au Despertar, un ancien centre de santé appartenant à Chepita. Un petit jardin, un préau, des douches, des lits (avec une planche de bois pour sommier mais on ne va pas se plaindre), des murs de béton: tout ce qu'il faut, nous avions de la chance. Nous redoutions de nous retrouver dans presque rien comparé à ce que nous avons habituellement. Nous récupérions les clés auprès de notre gardien. Celui-ci se nommait OK, engagé spécialement pour surveiller nos quartiers. Nous sommes vraiment des rois ici. Ensuite nous allions envoyer des mails à nos parents chéris pour les rassurer: "Nous sommes bien arrivés, première journée à Esteli, tout va pour le mieux". La soirée se déroula tranquillement et dans la fraîcheur. Couchés tôt, bon repos. Mais la nuit était bruyante à Esteli: les chiens qui hurlaient, les oiseaux piaillant, les gens qui passaient... Nous en trouvâmes rapidement l'explication. En fait, il y avait un espace d'au moins 20 cm entre le mur et le plafond. Nous avons eu un peu de mal à nous endormir.

Il faisait déjà jour lorsque nous fûmes réveillés à 6h par une sirène. Sylvain en un sursaut: "Quoi, c'est la guerre?!" Mais non... C'est le signal: au boulot! Notre premier jour de chantier. Ricardo vint nous chercher vers 7h. Le vent soufflait pas mal ce matin mais cela n'empêche pas le soleil de chauffer sur le chemin. Nous devions d'abord passer chez Alonzo où nous avions laissé les malles en dépôt. Quatre sont réservées à la paroisse. Elles contiennent des vêtements, des livres, des jouets et des médicaments. Jean nous avait chargé de sortir le carton de médicaments pour qu'il puisse les récupérer. Un petit bonjour à Modesta et c'était reparti. Direction la fabrique de Parpaings pour Tristan et Sylvain, et la casa de Doña Carmen dans le quartier de San Francisco, pour Nicolas, Philippe et Cécilia. A l'origine, nous pensions que nous serions séparés en deux groupes pour deux maisons mais apparemment, il en avait été décidé autrement. Au moins nous verrions la construction de cette maison du tout au tout. Voici un résumé du travail de la journée: Selon Tristan à la fabrique, grand nettoyage de Printemps. Débroussaillage, vider une pièce et tout remettre en ordre, refaire un petit muret. Aidés de Mario et Alberto, ils ont bien travaillé. Pendant que Don José, le patron, parcourait la ville sur son vélo. Les garçons après leur dur labeur jouèrent au handball local, un mélange de base-ball, tèque et hand: "un jeu où il faut attraper une balle" dixit Tristan. Ils ont aussi parlé muchachas (petits coquins), mais aussi de l'aspect culturel bien entendu.

Le midi, ils rejoignirent leurs compagnons et Ricardo pour déjeuner. Bon repas avec viande de porc grillée (très grillée) accompagnée de riz, haricots rouges et les fameuses tortillas, des crêpes de mais. Retour sous la chaleur infernale. Il faut s'y remettre. En fait, les trois autres n'ont pas fait grand chose. Ils ont surtout bien observé le bail (le maçon). Il fallut déblayer le terrain encombré de planches, de plastiques et d'un peu de tout,

Afin de mettre en place les limites de la future maison. Mais le procédé de construction utilisé était un tantinet inhabituel. Les murs allaient être montés alors que l'ancienne cabane -car c'est bien là une cabane- serait maintenue. En fait pour que la famille garde un toit le temps de la construction. Dans cet amas de planches et de bâches vivaient huit personnes. Doña Carmen, la grand-mère, avec ses parents et ses cinq petits enfants: Emma, l'aînée puis Maria, Christian et Mycol, et enfin Naomi. Leur mobilier: un canapé encombré, une poule couvant dans un sceau, deux lits servant de range-tout, et quelques photos de journal très poussiéreuses. Un taudis, ou on ne sait quel mot qui pourrait désigner cet abri insalubre. Derrière la cabane, un jardinet ressemblant à une poubelle: de la boue et des déchets partout, ce qui ravissait les deux cochons qui sillonnaient le terrain toute la journée, ainsi que les poules. Mais ils étaient toujours dans nos jambes. Il faut vous expliquer qu'au Nicaragua, les gens ne connaissent pas les poubelles, ou trop peu, les rues et le sol des maisons en font office. Ca ne les dérange pas, c'est comme ça. Nous européens, ça nous fait tout drôle. Bref, pour en revenir au fait que ce sont des conditions de vie très pauvres, vraiment difficiles. Nous constations que les gens n'ont rien, juste un abri et à peine de quoi se nourrir. Nous nous disions que Doña Carmen et sa famille devaient être tellement contents d'avoir la possibilité de se faire construire une vraie maison, avec du béton et un toit. D'où notre projet MAISONS DIGNES avec la paroisse, vous l'aurez compris.

Après avoir tracé les contours du bâtiment avec de la ficelle tendue à des pieux plantés en terre, il fallut ajuster les mesures: un mètre et un niveau à bulle particulier, un tuyau rempli d'eau. Ensuite nous dûmes creuser sous le cagnard. Pas un brin de vent, de temps en temps un nuage passait, petit soulagement. Les trous étaient profonds de 70 cm afin d'assurer les fondations. Sur la fin, nous descendions même dans le creux pour retirer la terre glaiseuse à la main, alors qu'en surface c'était de la rocaille et que nous devions utiliser des barres à mine. Ce fut le plus gros du chantier pour cette journée. Et nous terminions assez tôt, vers quatre heures. Trois bons quarts d'heure pour rentrer. Nos jambes étaient lourdes et nous avions attrapé de sérieux coups de soleil. De plus, nous rapportions notre malle de matériel depuis chez Alonzo, ce qui faisait un petit bout. Puis à peine le temps de se reposer, nous filions avec Jean visiter un de ses amis, journaliste qui habitait à la sortie de la ville: Carlos. Nous passions par un petit lotissement de maisons pré-faites, bien chic. Ce devait être les gens importants qui habitaient ici. Nous étions donc présentés à Carlos. Cet homme né en Argentine avait vécu en France, au Canada, avait été en Afrique du Nord, et s'était marié avec une nicaraguayenne avec qui il avait une adorable fille prénommée Claire. Nous parlions de son travail et de notre arrivée. S'il y avait le moindre problème il serait là. Mais il était en pleine rédaction d'un article et nous le laissâmes.

Séance de discussion et bilan de la journée sous le préau. Les garçons jouèrent ensuite au foot, sauf Tristan qui avait l'air très absorbé par un bouquin. Voilà une bonne soirée. A la douche, pâtes et dodo sous les moustiquaires.

Jeudi, nous étions tous les cinq sur le chantier de la maison. Le temps s'était refroidi. Il pleuvra en milieu d'après-midi, et Jean qui nous avait dit que la pluie était chaude, et bien pas cette fois. Elle était même fraîche pour la température ambiante. Ce qui ne nous a évidemment pas empêché de travailler. Nous continuions de creuser les trous et le maçon de faire ses mesures, la matinée. L'après-midi, nous découpions des tiges de fer pour les tordre en carré avec une technique bien précise. Entre sept petites tiges plantées spécifiquement sur une planche de bois, il fallait avoir le coup de main. Et Cécilia l'attrapa rapidement. Ces carrés étaient destinés aux armatures du béton. Ce n'est pas de la gnognotte ce que nous construisons! Ensuite, un poco de couture pour attacher nos carrés aux barres. Sans oublier les coupures, les coups de marteaux sur le doigt, les pinçons, les ampoules... Hormis ça, nous avons eu le plaisir de parler avec les enfants, qui étaient nos spectateurs les plus assidus et admiratifs. Ils adoraient qu'on les prenne en photo. Si nous les avions écoutés, ça ne ce serait jamais arrêté, alors nous faisions semblant de jouer les photographes. Après ils couraient partout le dire aux copains qui se présentaient à leurs tours. C'était marrant. La communication est bien passée avec eux mais aussi avec la famille. Généreusement, on nous offrit un jus d'ananas: Délicieux! Nous reprenions le travail aidés des enfants et nous rigolions beaucoup. Sauf qu'à 15h30, la pluie ne s'arrêtant pas, le maçon nous laissa partir. Une après-midi remplie tout de même. Nous retournions à notre foyer, et désormais totalement installés, petit rituel: conseil, foot, lecture, douche (ah, Sylvain nous a fait trente pompes) et le reste... Vous vous rappelez du petit inconvénient de notre chambre? Le trou dans notre mur, et bien figurez-vous que ça nous joua également un autre tour. Régulièrement passait un camion qui vaporisait de l'insecticide. C'était une horreur, ça puait! Une habitude que nous prenions aussi.

CHAPITRE 3

Le week-end sera consacré à la détente. Nous voulions en profiter pour visiter un peu plus les lieux. Lever 6h tout de même car il y avait cette satanée sirène. Nous prendrons notre temps pour petit déjeuner, nous préparant à l'ascension d'une montagne. En effet, aventuriers que nous sommes, nous partions dans la jungle nicaraguayenne. Déjà à 900 mètres d'altitude, il nous fallait aller encore plus haut. Nous aurions une vue imprenable sur Esteli. Ce fut un vrai parcours du combattant! Entre les arbres, ou les barbelés, qui vous barrent le passage, vous piquent, vous chatouillent, vous collent et vous accrochent... bonjour les jambes de ceux qui n'ont pas eu la bonne idée de mettre un pantalon. Le soleil tapera dur malgré les quelques averses. Nous déjeunâmes au sommet. Après une séance de photo, nous restions là quelques instants à admirer le paysage, comme des conquérants. Esteli n'était pas très étendue, mais elle était peuplée de 100 000 habitants. Pas étonnant car la plupart du temps les gens vivent entassés à sept ou plus. De cette hauteur, nous distinguions parfaitement les quadrillages et nous reconnaissions la carretera, la cathédrale et même la fabrique. En revanche, pour retrouver notre chemin à travers cette jungle tropicale... En fin de compte, nous mîmes peu de temps pour redescendre. Ensuite un peu de repos et un bon repas. L'après-midi sera shopping ou plutôt lèche-vitrines. En gros, une journée touriste.

Le lendemain matin nous attendait la messe, grand moment.

Nous fîmes une grasse matinée jusqu'à sept heures. De bonne humeur et enjoués comme jamais pour aller à une messe. Un rapide quart d'heure de marche et nous entrions dans l'église San Antonio, déjà remplie de ses fidèles. Nous aperçûmes Ricardo qui était en train de ranger des planches au fond de l'église. Nous allâmes lui dire bonjour. Ensuite très gentiment, il nous emmena vers le cœur pour nous placer. Et quelle chance, nous nous retrouvions au premier rang! Juste à côté la chorale était en place, répétant discrètement. Composée de plusieurs guitares, un violon, un accordéon et un xylophone géant, la chorale était domptée par son sévère chef d'orchestre, Ricardo. Nous avions l'impression que tout devait être parfait avec lui. Et effectivement, le résultat fut génial. Les chants étaient entraînants, gais. Ca change beaucoup de la plupart des églises françaises (pas toutes) où règne la morosité, et où les chants se ressemblent tous. Et notre super Padre, formidable orateur, avec son fort accent français. Ce qui nous permettait de mieux comprendre. Et tout est passé assez vite. A la fin de l'office, nous sommes restés un moment à discuter avec les jeunes paroissiens. Nos garçons sont vite absorbés par les filles, qui fixaient leurs beaux yeux clairs. Nous étions alors encerclés. Cependant, Cécilia gênée par ces regards rivés sur eux , sortit de l'église quelques minutes. Puis les présentations faites, les liens se créèrent rapidement.

L'après-midi était prévue une baignade à la cascade d'Esteli. Changement de programme. Nous étions invités à trois heures à une réunion des jeunes paroissiens à la fabrique. Nous y retrouvions certaines connaissances de ce matin mais aussi de nouvelles têtes. Alors nous fîmes un tour de table pour les prénoms, mais ce n'était pas gagné pour tous les comprendre et surtout les retenir! Tandis que dans la rue, nous étions d'ores et déjà connus, les enfants nous appelaient: "Silvino - Christan - Nicolass" Eh, vous ne nous croirez pas, mais nous étions des stars. Nous eûmes le droit à un très joli discours de bienvenue: "Bienvenidos!". Ils semblaient fiers de nous avoir comme invités, vraiment. Nous jouâmes ensemble, mimant des chansons chacun notre tour. Nous leur montrâmes "Y'avait des gros crocodiles et des orangs-outans..." L'ambiance faite, nous fûmes vite calmés par la responsable du groupe, Francis, qui nous lut un passage de l'évangile sur lequel nous aurions à nous exprimer après une réflexion en petit groupe. Dur dur! La communication s'établissait difficilement du côté de Philippe et Cécilia, malgré les essais non moins courageux. Thème, la "luz", la lumière de Dieu. Une demi-heure après, mise en commun. C'était très intéressant. Sauf qu'on ne comprenait pas tout. La séance se termina par d'autres danses et les hymnes de nos pays respectifs. Allons-y pour la Marseillaise. Puis retour à la casa. Demain, BOULOT.

Chaque matin, nous empruntions le même chemin et nous retrouvions les mêmes spectateurs. Toujours ces regards rivés sur nous, les cheles, ce qui signifie littéralement les laits car nous sommes blancs. Mais ce n'était pas une insulte.

Notre maison avançait doucement et notre travail commençait à prendre forme. Remplir le sol de caillasses et faire les armatures devenaient un peu rébarbatif. Enfin les choses sérieuses débutaient. Le contour est posé dans un premier temps avec des pierres, et non directement avec les Parpaings. Car le maçon pour éviter qu'il n'y ait trop d'humidité qui ne remonte dans les murs dut rehausser le niveau. L'habitat actuel était démonté au fur et à mesure. Mardi et mercredi, les pièces commencèrent à se dessiner avec une première rangée de Parpaings. Puis une deuxième, ce qui faisait à peu près 30 cm de hauteur, par-dessus laquelle nous coulâmes du béton dans un coffrage, entre deux planches préparées par les assistants du maçon. Le lendemain, nous ôterions les maintiens et il faudra combler la différence (encore) avec de la terre que nous tassions avec une bûche. Philippe et Nicolas se sont fait un plaisir. Chacun sa tâche, un qui remplissait les sceaux, un autre qui les passait au suivant pour qu'il les vide, et un qui tassait. Quelle organisation! De plus, Don Ramon l'arrière-grand-père nous prêtait main forte. Avec son allure de petit vieux, il avait pourtant une sacrée gouache. Il portait les sceaux de terre, faisait le béton, portait les Parpaings, creusait. Et il nous parlait pour nous dire ce qu'il fallait faire mais comme il n'avait que deux dents, ce n'était pas très compréhensible. Mais bon, c'était gentil de sa part. Il oeuvrait en fait autant que nous.

Mais il n'y avait pas que le travail. Au dernier moment Ricardo nous invita à l'anniversaire des deux ans de sacerdoce d'un prêtre d'une autre paroisse d'Esteli. C'était la fiesta, et les nicaraguayens adorent ça. Et surtout quand vient le temps de bailar (danser). Ils avaient monté tout un spectacle pour l'occasion. Nous avons vu Don José chanter dans un groupe de Mariachis, des chanteurs locaux qui parcourent les cafés et les rues chaque soir. Belle prestation qui fut ovationnée: "Don José Don José!". Puis Ricardo et quelques-uns uns des musiciens de la chorale jouèrent. Jusqu'à ce qu'une espèce de comique à la voix niaise de castra vienne baragouiner avec sa guitare. Indignation de la foule après trois sketches. Cela devenait aburrido (ennuyeux). Alors les spectateurs se mirent à crier "fuera, fuera!" : "dehors!". Et les applaudissements clorent le tout. C'était l'heure de dîner. Vous vous rendez compte, les gens mangent habituellement vers 18h, et il était 22h bien sonnées. Ils avaient donc tous très faim, nous y compris. En une minute s'était constitué une file d'attente. Et nous, petits chanceux, attendions Ricardo qui s'occupait de notre repas. Pour patienter, nous apprîmes aux enfants et aux jeunes de la paroisse, avec qui nous avions passé la soirée, à jouer à "dans ma maison sous terre". Ils retinrent vite les paroles, mais certains ne comprenaient pas bien le système "1,2,3" et enlevaient leur main à "un". On s'est bien marré. Puis nous pûmes manger. Ricardo alla spécialement nous acheter à la station essence Texaco du poulet et des frites. Nous nous sommes régalés. Mais nous devions un peu nous cacher pour ne pas faire de jaloux. Nous fûmes raccompagnés par Ricardo chevauchant sa moto ainsi que Wascar et Norlan à pied. Et dodo! Tout ça nous a épuisés mais ça change les idées.

Jeudi et vendredi, le travail devenait réellement intéressant sur le chantier: la pose des Parpaings. Au fait, il semblerait que nous ne vous avons pas encore expliqué la fabrication des Parpaings. Ce n'était pas sorcier. D'abord nous faisions le béton, du sable et du ciment avec de l'eau. Mais attention, deux sortes de sable et un nombre de pelles bien précis (plus une à chaque fois on se demande toujours pourquoi). Pour mélanger le tout, retourner le tas trois fois, à la pelle! Pas de bétonnière, et oui. Puis ajouter l'eau et refaire la manœuvre. C'est prêt. Le matériel est là: une truelle, un instrument cylindrique pour tasser le ciment au fond du moule (une pelletée) entre les tubes et un autre rectangulaire pour tasser la surface et lisser le tout (deux pelletées). Vient ensuite l'étape la plus délicate, retirer ce moule, délicatement. Sinon à refaire! Les Parpaings sont alors déposés sur des planches pour sécher. Et Mario s'occupe de les arroser régulièrement. Voilà, voilà. Pour une maison comme celle que nous construisons, 800 Parpaings sont nécessaires.

Jeudi matin, alors que nous alignions les Parpaings, Cécilia faillit mettre le doigt sur un scorpion, qui faisait bien 6 cm la queue dépliée. Charmant... Alors Carmen saisit un bâton pour le faire sortir du parpaing mais il se défendit. Lorsqu'il tomba, il dressait férocement son dard contre le bâton. Et Tristan l'écrasa. Carmen nous raconta qu'un jour elle avait été piquée quatre fois et qu'elle avait bien été malade. Sept piqûres suffisent à vous tuer. Sauvés, nous reprenions le travail. Nous étions huit sur le terrain et ça avançait plutôt vite: deux rangées, trois, quatre... La façade avant était quasiment terminée et les côtés entamés. L'après-midi, Tristan et Cécilia allèrent à la fabrique. Leur tas achevé, ils attendirent les trois autres aux rythmes des chants nicaraguayens entonnés par les ouvriers. Et ce soir là, lorsqu'ils arrivèrent, ils étaient surexcités. Nicolas et Philippe se sont coursés tout le long du chemin. Une fin de semaine très sympathique. Entre autre, jeudi, Wascar et Norlan, deux jeunes de la paroisse, vinrent jouer au Despertar au handball. Nous avons bien transpiré, douche obligatoire!

CHAPITRE 4

Ouf, le week-end! Notre programme était assez chargé mais promettait d'être intéressant. Samedi matin, nous avions rendez-vous à 8h45 au dispensaire avec Jean Loison (nous pouvons peut-être désormais l'appeler Jean tout court, non?). Il devait nous emmener dans une communauté plus au nord dans les montagnes, à peu près à une heure de route. Sur le chemin, Jean expliquait à Cécilia qu'il y avait dix huit communautés comme celle-ci dont une sous la responsabilité d'Alonzo. Il possédait notamment une exploitation, un domaine d'élevage de bovins non loin de l'endroit où nous atterrîmes. Il s'y dressait une petite église où les fidèles attendaient en chantant. Jean n'était pas venu depuis six mois et semblait très attendu. Nous allâmes nous installer au fond. Nous pouvions observer la pauvreté: les gens, l'église... Un autel dénudé, une chaise, une icône, aucune fenêtre et de la terre battue. Les gens eux aussi nous observaient. La rangée de fillettes devant ne cessait de glousser. Tour à tour elles se retournaient et dès qu'elles croisaient nos regards, vite fait elles tournaient la tête et riaient. Jean entama son discours: son voyage en France, son cancer. Désormais il est guéri rassurez-vous. Nous sortîmes ensuite car le temps se faisait long. Assis à l'ombre d'un arbre, nous commençâmes à discuter. Puis nous prit l'envie de jeter un coup d'œil au coin. Là-bas le paysage était différent, beaucoup plus verdoyant. Il est vrai que c'était la montagne. Nous apercevions les sommets qui courbaient le dos. Sur les flancs, nous pouvions distinguer les multiples types de végétation: un dégradé de couleurs, de formes où la lumière jouait, offrant à ces monts un fabuleux relief. Nous humions le bon air et la fraîcheur de ces lieux. Nous revînmes pour une rapide messe. Et nous repartîmes vers la ville.

Nous déjeunâmes vers 14h30 dans un restaurant minuscule tenu par une vieille dame, qui nous avait préparé le repas traditionnel du samedi: le nacatamal. De la viande de porc enrobée de semoule de mais avec quelques morceaux de pomme de terre. Le tout cuit et fumé dans une feuille de bananier. C'était délicieux, et bourratif.

Il fallait bien une petite sieste pour la digestion. A 18h, nous étions conviés à participer à la répétition de la chorale, ce qui nous enchantait. Deux heures, et les garçons n'en pouvaient plus. N'est-ce pas Tristan et Nicolas qui jouaient à "ciseau-pierre". Mais nous étions fin prêts à jouer les rossignols à la messe. Après quoi nous devions aller à la cascade avec le groupe de la paroisse, ce qui était prévu. Nous prîmes le bus et nous descendîmes plus tôt. En fait, nous nous dirigions vers une rivière. Cinq minutes après, tous à la flotte! Sauf les filles qui attendaient de pouvoir se changer. Hormis Cécilia qui non sans crainte de choquer avec son maillot de bain deux pièces, se jeta à l'eau la première. Tandis que les autres filles se baignèrent plus tard dans un coin, habillées d'un cycliste et d'un tee-shirt. Ils sont très pudiques là-bas. Les garçons eux, jouaient à la balle: à qui la lance le plus fort. "Et on sent que le sport national est le base-ball", comme a dit Sylvain. Le seul inconvénient c'est qu'à force de remuer le fond, on ressort marron. Vite la douche, Tristan et Philippe avaient déjà des boutons.

Lundi, on sentait une certaine fatigue qui s'était installée. Le moral avait un tantinet baissé. Cela faisait maintenant deux semaines que nous avions quitté nos doux foyers. Ca nous manquait: maman, papa, les copains, nos habitudes, le confort, la nourriture... etc. Quoique nous ne soyons pas malheureux ici, mais... De petites tensions par-ci par-là.

Sur la route du chantier, pour la première fois depuis le temps que nous la prenions, nous avions remarqué une porte de maison en fer forgé où étaient gravés différents signes: une croix gammée, le ying et le yang, une étoile juive et le symbole du confucianisme. Original. Lorsque nous nous approchions de la maison, nous constations que la maison avait bien avancé, les murs étaient bâtis à mi-hauteur. C'était le moment de refaire des armatures, encore! Après cela, tout ira plus vite et nous pensons pouvoir terminer en fin de semaine.

Les journées commençaient à nous paraître longues. En fait, le chantier ne sera pas fini avant mercredi ou jeudi de la semaine prochaine. Il fallait bien quatre semaines. Mais peu importe puisque nous avions prévu de partir vendredi en tourisme.

Les soirées n'étaient pas de tout repos parfois. Batailles de balles de tennis dans la chambre, repas animés -se battre pour les pâtes; Philippe et Sylvain qui se regardent les yeux dans les yeux en train de manger leurs spaghettis et qui explosent de rire, merci pour les voisins...-. Comme ce mercredi, les garçons s'amusèrent à remplir la douche de balles de tennis alors que Cécilia y était. Ou encore préparer des pièges pour la rentrée nocturne de Tristan. Une bassine d'eau qui tenait en équilibre sur la porte. Sauf qu'elle tomba à côté, tant mieux pour lui. Ensuite des bouteilles vides partout dans la pièce, histoire qu'on l'entende un peu plus, et son lit truffé de balles de tennis, mais camouflées sous son matelas. Ayant traversé toutes les épreuves avec succès, il s'assit donc sur son lit et là, crise de rire! Bonne nuit tout le monde.

Jeudi, les murs étaient aux trois quarts de la hauteur prévue. Ce qui prenait le plus de temps était tous les à-côtés, le travail de base et intermédiaire: les armatures (jusqu'au bout), les coffrages, couler le béton, monter et démonter les échafaudages, tamiser le sable pour le ciment (tout ça manuellement bien entendu). Et les pauses aussi... C'est de cette manière que Nicolas fit plus ample connaissance avec le cochon (cerdo) de la famille. Ils s'adoraient tous les deux. Nicolas lui gratouillait le ventre et en grognait de plaisir. Allez, on y retourne. Ensuite nous avons posé les encadrements de fenêtres et des portes. Nous dûmes y planter des clous sur les bordures afin que le béton adhère mieux. Ce ne fut pas tâche facile. Le pouce de Sylvain s'en souvient encore. Heureusement, les renforts arrivèrent car nous n'étions pas très doués.

Et pour ce dur travail, il fallait bien une autre fiesta: les 19 ans de Tristan. Le midi, il eut le droit à sa bougie sur un appétissant gâteau à la crème. Bleu, blanc, rouge. On dirait de la meringue pas cuite selon Nicolas, mais qu'est-ce que c'était bon! Et rebelotte le soir avec les jeunes de la paroisse qui sont passés en surprise. Après nous sommes sortis avec quelques-uns uns au Tom Cat, une boîte de nuit. Rien d'extraordinaire. Bien moins remplie et bien plus aérée, et surtout moins cher. Mais quand même, Sylvain, Tristan et Cécilia offrirent la sortie à tout le monde -puisque personne n'avait pensé à prendre de l'argent-, gentiment. En échange, ils nous invitèrent à danser: salsa, ragga, tchacha, raeggae.C'était très sympa mais il fallut rentrer car il ne faisait pas bon de rentrer trop tard. On nous avait prévenu de ne pas sortir après 22h, c'était dangereux et n'oublions pas: lever 6h. Ils nous raccompagnèrent donc. Buenas noches!

Samedi, nous nous préparions à une journée d'excursion à Matagalpa, à une heure trente de bus. Nous partîmes vers huit heures d'Esteli et le trajet fut un peu plus long que prévu. L'arrivée à Matagalpa provoqua un choc moindre que notre premier jour à Esteli. Nous retrouvions une ville poussiéreuse où les déchets et le bruit envahissaient l'espace. Quasiment le même schéma, des bloques de maisons collées les unes aux autres. La ville semblait un peu plus jolie avec ses hauteurs. Nous sommes passés par un petit marché riche en couleurs. Fruits, légumes, fleurs. Il y avait aussi bon nombre de magasins de textile et de chaussures. Par contre, dans une boutique vous pouviez trouver de tout. Sylvain rentra dans l'une d'elle car il avait aperçu des bijoux. Il fit deux mètres et tombait sur des chaussures. Pour vous montrer également que pouvaient se trouver ensemble des bibelots, de la papeterie, de l'épicerie... Nous fîmes un tour, traversant la ville par cet axe commerçant, et nous visitâmes une des deux églises, l'autre étant fermée aux visites. Elle était fastueuse. Les plafonds étaient gravés en dorure et des statues trônaient à chaque pilier. L'autel était surplombé d'un large panneau de bois sculpté. Sur chaque banc figuraient des noms de famille. Nous décidâmes ensuite de faire un détour par Selva Negra, une immense propriété de café qui fut fondée par des allemands ayant fuit la 2ème Guerre. Pourtant à une heure de la ville, nous étions perdus au beau milieu de la montagne. Mais nous rencontrions un char, et oui, juste au début de la route. Nous grimpions et prenions la pause. Nous avancions sur un chemin bordé d'immenses arbres, tous plus majestueux les uns que les autres, de caféiers et de tapis de fleurs. C'était paradisiaque. Et il faisait si bon. Nous arrivions à l'entrée du domaine. Le seul ennui, c'était chasse gardée. Cinq "soldats" armés étaient postés à une barrière. Pour passer, il fallait payer. Désenchantement d'un coup. Mais nous n'allions pas tourner les talons arrivés à destination. 25 cordobas chacun, un sacrifice pour un bien. Car quelques mètres plus haut, nous découvrions un très joli parc avec un lac et des chalets. Juste à côté, autel Selva Negra avec vue sur l'eau. Nous y dégustâmes des hamburgers et des frites -ce qu'il y avait de moins cher-. Sur le chemin du retour, nous passions devant un portique de balançoire où nous sommes arrêtés pour faire les singes. Eh, ça ne fait pas de mal de retomber en enfance. De temps en temps.

Nous repartîmes sur ces belles images de forêt et de calme. Au lieu de prendre le bus, nous choisîmes de faire du stop, solution bien plus attrayante. Ainsi nous voyageâmes dans cinq pick-up d'où nous admirions les paysages. Nous avons d'ailleurs rencontré trois américains. Nous ne les connaissions ni d'Eve ni d'Adam mais nous avons discuté. L'un d'entre eux avait été boy scout. En revanche, moins réjouissant, nous fîmes un bout de chemin avec un homme accompagné de ses deux enfants, paraissant si pauvres. Il nous expliqua qu'il allait rejoindre sa femme hospitalisée à Léon, à plus de trois heures de route.

Sans encombre nous arrivions à Esteli vers 17h30-18h.

Le lendemain, comme chaque dimanche depuis le début nous allions à la messe. Une belle surprise pointa le bout de son nez. Nous rencontrâmes un chef scout d'Esteli. Nous convînmes de nous voir à 13h. Mais une demi-heure plus tard, il débarquait au Despertar accompagné de deux scouts. Et en tenue s'il vous plait! Chemise kaki couverte d'insignes, long foulard vert et chapeau pour le chef. Ils nous saluèrent en nous serrant la main gauche et le signe scout de l'autre. Ils nous invitaient à la cascade, depuis le temps que nous voulions la voir. C'était parti vingt minutes plus tard. Nous étions donc huit avec Douglas, le chef, Leonardo et Norlan. Nous parlâmes scoutisme, heureux de pouvoir découvrir leurs pratiques de l'autre bout du monde. Les scouts du Nicaragua débutent comme chez nous avec les louveteaux, les lovatos, les 6-11 ans. Ensuite telle la troupe, viennent les scouts et les pionniers rassemblés (12-18 ans). Et les Rovers jusqu'à 25 ans. Apparemment assez ouverts malgré leur allure militaire, nous pûmes parler librement tout le temps du chemin, qui était bien plus long que nous le pensions. Nous qui avions cru y aller par nos propres moyens, je ne sais pas si on aurait pu s'y retrouver. Quelques minutes à pied sur les pentes caillouteuses et nous voilà au pied d'un fabuleux spectacle. Cachée entre les montagnes se dressait la cascade Estanzuela. De ses vingt mètres, elle se déversait dans un bassin où déjà quelques baigneurs se rafraîchissaient. Nous fîmes de même dès notre arrivée. Et bien sûr le passage obligé, la tête sous la chute d'eau: vivifiant, je vous assure. Nicolas, frileux comme il est, sortit rapidement et nous suivîmes. Nous discutâmes encore de nos activités, de nos projets, de nos styles de vie. Avant de nous ramener, Leonardo nous faisait monter en haut de la cascade, impressionnant. Qui veut sauter... Sur le chemin d'Esteli, nous nous arrêtions à la Casita. Un petit jardin d'Eden: arbustes, cactus, arbres fruitiers, un parc pour les enfants et un décor tropical. Nous prîmes un goûter, thé à la fleur de Jamaïque, bon pain frais avec du fromage, quelques rondelles de tomate et jus de fruit. Cadeau de nos nouveaux amis! Nous décidâmes de nous revoir avant notre départ en semaine touristique car Douglas devait contacter d'autres scouts. Que de bonnes nouvelles!

CHAPITRE 5

Le lundi, Carlos, vous vous rappelez, le journaliste, nous avait demandé d'aider à creuser un trou de 2m30 pour des latrines. Les quatre garçons y allèrent et Cécilia resta sur le chantier. Carlos passa à 7h, et la journée fut longue pour tout le monde. Nous revînmes vers 17h30 au Despertar. Tandis que Cécilia était déjà au sec, les garçons rentrèrent sous un torrent de pluie à l'arrière du pick-up. On les entendit arriver! Ils chantaient gaiement sous la flotte. Pauvre Nicolas, il était frigorifié. Il est vrai que la pluie était bien fraîche et qu'il y avait aussi un sacré vent. Et l'eau de la douche après leur parut bien chaude! Et le soir vers 19h30, Carlos passa nous chercher pour aller jouer au billard. C'est un vrai pro. Aussi, Nicolas se découvrit des talents qu'il ne soupçonnait pas -ce n'était que la deuxième fois qu'il jouait au billard-, appuyé par le grand Philippe qui loupait rarement ses coups. Une fine équipe. Cette soirée fut un réel plaisir.

Plus que trois ou quatre jours et la maison devrait être terminée. Nous arrivions au bout de notre tâche. Cependant nous étions aussi impatients que ça se termine, non seulement pour voir le résultat de notre travail mais aussi pour profiter du pays.

Mardi, tous les murs extérieurs étaient finis et nous ferons les intérieurs l'après-midi. Mercredi dernière étape avant le toit, couler le béton sur les encadrements des portes et des fenêtres. Il fallut refaire des coffrages et ce jour-là, le ciel devenait menaçant. Don Alfredo nous a mis une de ces pressions! Pendant ce temps, la famille de Carmen vivait toujours dans son réduit. Il ne leur restait pratiquement rien de leur ancienne habitation. Désormais tout était entassé à côté de la cuisine, dans à peine 5 m². Nous nous disions que pour les arrière-grands-parents ce serait magnifique d'avoir enfin une maison, digne, après tant d'années.

Seulement, le chantier prit un jour de retard. Jeudi, nous retirions tous les coffrages et posions les derniers au-dessus des portes. Dans la foulée, nous commencions à préparer les poutres pour la charpente. Ce fut une journée très remplie, très ensoleillée et nous en avons profité un maximum. L'ambiance était bien gaie sur le chantier! Entre Tristan qui donne la fessée à Christian, Cécilia qui arrose Carmen, Philippe qui joue les chefs autoritaires: "Allez, au travail et que ça saute!", Sylvain et Nicolas surexcités... Le travail se fit dans la joie et la bonne humeur. Renforcées par un bon repas que nous avait spécialement préparé Doña Carmen. Un vrai régal. Sauf que nous devions déjeuner ensuite à la fabrique: deux repas pour le prix d'un. La sieste fut de rigueur pour digérer ce festin. Sylvain dormait paisiblement dans le hamac, Nicolas et Philippe dans des brouettes, Cécilia allongée sur les Parpaings et Tristan dans un coin qui jouait avec les fourmis.

Le soir, nous devions manger des crêpes avec Belki, l'amie de Tristan. En attendant, nous allâmes rejoindre Jean à la sortie de la messe vers sept heures. Nous devions vider les malles qui étaient en garderie chez Alonzo. Il était temps au bout de trois semaines de les donner. De plus, nous avions besoin des malles pour ranger quelques affaires pour partir en itinérance, pour être le moins possible chargés. Nous arrivions à San Antonio vers 18h45, la messe résonnait encore. Alors les garçons pour passer le temps s'amusèrent à faire du stop aux vélos pour aller à Managua, mais ça ne marcha pas... Par contre, Jean put nous déposer au Despertar afin de trier les affaires, les mettre dans des sacs pour que Ricardo passe les chercher le lendemain dans la matinée. Rentrés au Despertar, Belki n'était toujours pas là. Elle se présenta un peu tard et nos estomacs criaient famine depuis un bon moment. Nous dûmes donc reporter au lendemain, pour avoir le temps, et nous mangeâmes nos spaghettis comme chaque soir.

Vendredi, cette fois, dernier jour de chantier: la pose du toit. Ce qui nous prit bien de 7h30 à 17h30. Il fallut assembler la charpente et donc jouer les acrobates. Même Sylvain, qui d'ordinaire a le vertige, réussit à monter et travailler en équilibre sur les murs. La charpente fut complète vers 15h. Nous pouvions remarquer l'impatience de la famille. Doña Carmen et Don Ramon nous aidait. Puis le toit. Vingt tôles en tout qu'il fallut clouer avec précaution. Ca faisait bizarre car au fur et à mesure, la maison s'assombrissait mais les yeux des enfants s'illuminaient en voyant la maison s'achever. Cela prit pas mal de temps. Don alferdo posait soigneusement chaque tôle qu'il clouait à quatre endroits stratégiquement pour ne pas la froisser. Notre travail consistait à monter les tôles et les maintenir pendant qu'il les clouait. Nous étions perchés là-haut sous le doux soleil. Il était presque cinq heures et Jean venait bientôt au Despertar pour parler un peu de notre séjour à Esteli. Alors Nicolas et Sylvain partirent en premier, et les trois autres les rejoignirent vers six heures. Départ un peu précipité mais nous devions repasser à la maison avant notre départ pour admirer le résultat final et faire nos remerciements. En effet, le temps nous pressait: la douche , les bagages, les crêpes, donner les passeports à Carlos. Tristan s'occupa de la pâte à crêpes tout en discutant avec Jean. Ensuite nous avons fait nos paquetages, rangé les chambres. Jean nous quittait et nous souhaitait bon voyage.

Nous nous couchâmes un peu tard pourtant, car décidément, le sort s'acharnait sur nous. Impossible de faire les crêpes tellement la pâte accrochait. Nous avons tout essayé, deux gamelles et par chance une poêle prêtée par Chepita. Mais rien à faire! C'était de la bouillie. De colère ou de faim, Sylvain Nicolas et Philippe s'en allèrent manger de leur côté, pendant que Tristan et Cécilia s'acharnaient à finir la pâte. Quel gâchis. Cécilia abandonna vite. Nous mangerons demain. Et dodo. Sauf Tristan qui se coucha un peu après pour déguster sa charpie et surtout faire la vaisselle. Dernier dîner en beauté...

CHAPITRE 6

Lever un peu mouvementé à 5h30. Derniers rangements et petit déj rapide, très rapide. Et c'était le départ. Nous sortîmes de la careterra pour faire du stop, ce qui ne fut pas tâche facile: presque pas de voitures, et la plupart qui arrivaient, faisaient demi-tour. Effectivement nous ne nous étions pas très bien placés, juste devant l'hôpital de la ville. Par chance, nous trouvâmes un pick-up qui put nous emmener jusqu'au carrefour où la route de Léon se croisait avec celle de Matagalpa. Sur le chemin, nous vîmes des hommes creusant une tranchée sur une centaines de mètres. Nous observions les habitations qui défilaient. Nous avons remarqué quelques huttes, des restes sans doute de la population indigène. Nous nous rapprochions de Léon et la chaleur nous prenait petit à petit. Les paysages volcaniques qui encadraient la plaine où nous passions, donnaient une impression d'immensité, des monts à perte de vue où la route longiligne filait.

Nous arrivions au carrefour et là, rebelotte! Personne. Nous patientons cinq, dix minutes. Le bus pour Léon arriva. Nous le prenions au risque d'arriver trop en retard à Léon où un chef scout nous attendait pour 9h. Seulement, nous n'étions à destination qu'à 10h30, puis le temps de trouver le lieu de rendez-vous, il était déjà bien 11h. En marchant, nous pûmes remarquer que Léon avait vraiment l'allure d'une ville. Toutes les maisons étaient en béton et les rues pavées. Étrangement les bâtiments se tenaient à 50 cm au-dessus des routes. Ce qui renforçait cette image de grandeur comparée à Esteli où les maisons sont basses. Nous constations un meilleur niveau de vie, d'un point de vue extérieur. Et une différence sociale notamment, des couples se promenaient main dans la main. Dans l'ensemble, Léon paraissait plus intéressante culturellement parlant qu'Esteli et Matagalpa. En arrivant chez notre contact, nous vîmes un immense salon avec une télévision. Nous fûmes accueillis par un homme qui en fait n'était pas celui prévu, mais un ami. Il nous expliqua que dans une demi-heure le chef arriverait. En attendant, nous bûmes de l'eau fraîche, et quel bonheur avec cette chaleur. Nous étions tous en nage, de plus avec nos chemises, c'était horrible. On nous montra la chemise des scouts de la ville: la 25ème de Léon. La camisetta (la chemise) est beige et la panoletta (le foulard) bleu rouge et jaune. A ce moment entra le chef: cheveux gris, pantalon grisonnant et tee-shirt troué. Il commença à nous parler seulement nous devions tendre l'oreille tellement il marmonnait. Il nous souhaitait la bienvenue et était heureux de nous rencontrer. Nous aussi. Première chose: nous voulions aller à la plage. Malheureusement il était trop tard, et ce monsieur nous avait concocté tout un programme: visite de la ville, réunion avec les scouts et petite fête annuelle du groupe. Déjà écrasés par l'air ambiant, mais motivés pour le reste de la journée (après un repas bien sûr). Notre guide était César, un chef scout, et en tenue qui plus est: chemise, pantalon bleu marine, foulard, rangos et chaussettes kaki.

Nous débutâmes notre visite par une église, où nous ne pûmes pas rentrer. Il aurait fallu attendre 17h, le moment de la messe. Nous continuions vers la cathédrale. Bâtiment très imposant avec un dôme, elle se situait au centre d'une place rectangulaire très boisée. Les larges arbres ombrageaient parfaitement l'endroit. Une fontaine de pierre orangée faisait face à l'édifice, entourés de quatre lions montrant les crocs au ciel. Nous poursuivions notre chemin vers les ruines de San Sébastian, en passant par un sentier ponctué de symboles et graphismes très colorés, comme le symbole de la république du Nicaragua, une carte du pays, une fleur de lys, un bateau de colons. Nous nous arrêtions à une troisième église dont les portes nous furent ouvertes. En entrant, nous découvrions de grands drapés en dentelle pendant au-dessus du chœur. Toujours ces dorures sur les piliers. D'aspect clinquant, cette église renfermait de nombreuses statues vivement teintées, des bouquets de fleurs partout et un chœur où trônait une Santa Maria accompagnée de ses quatre anges, avec de vrais cheveux. Mais il n'y avait pas d'air à l'intérieur, et nous fûmes contents de pouvoir respirer le doux vent qui s'était levé. Nous fîmes le détour par le théâtre de la ville, qui fut également le premier au Nicaragua. La façade était de style colonial et néo-classique, beige et orangée. Nous eûmes l'occasion de le visiter. Il y avait à côté du hall d'entrée une étroite galerie où étaient exposées quelques oeuvres d'artistes locaux. Le théâtre en lui-même pouvait contenir 500 personnes, 400 en bas et 100 au balcon. Mais avant un incendie par des étudiants révolutionnaires (on ne se rappelle plus la date, désolé), il faisait le double en taille et pouvait accueillir 1 400 visiteurs. Assez moderne -on se serait imaginer un théâtre rudimentaire-, la scène pouvait s'avancer au besoin en recouvrant la fosse. Ayant fait le tour, nous nous apprêtions à sortir lorsqu'il y eut une averse. Nous reprenions quelques instants plus tard la direction des ruines. Effectivement, il ne restait pas grand chose de cette église après les bombardements de la guerre entre 1960-1980. Dans ce contexte de guerre contre l'Amérique, nous en venions à parler sandiniste. Que notre chef scout ne se revendique pas mais juste contre les États-Unis. En retournant vers le centre ville, nous passions devant le musée de la culture, où justement se dressait une statue à l'effigie d'un héros de guerre sandiniste: André Castro.

La visite terminée, nous allions à une réunion qui se déroulait dans une cour d'école. S'y trouvaient des enfants de 6-15 ans, les scouts et les lovatos, qui nous firent une démonstration de leur carré -bien carré le leur-. Ils se rassemblaient en équipe poussant leur cri puis se rangeaient en alternant un scout un louveteau. Ensuite, ils mimèrent la pluie en claquant leurs doigts au creux de la main, jouant sur les sonorités pour la force de la pluie. Nous nous présentâmes respectivement, et comme cadeau de bienvenue, Cécilia eut l'honneur de recevoir un de leurs foulards. Bleu pour la justice, rouge pour le travail et jaune pour la bonté: Justicia, Trabajo, Bondad. Elle dut faire traduire ses remerciements par Nicolas. Fière de ce présent, elle se joignait à eux pour un match de foot endiablé. 6 buts à 4 pour l'équipe des foulards. Le match fut interrompu par un déluge. Peut-être était-ce à cause du chant de la pluie que nos amis avaient entonné? Nous allâmes donc nous réfugier sous un préau où nous prîmes les photos avec tout le groupe. Et s'ensuivit une longue séance de dédicace sur leurs foulards ou leurs bras. Il y en avait même un qui le réclamait sur son front. Comme disait Sylvain: "En rentrant en France, on aura un sérieux complexe de la personnalité si ça continue!".

La pluie s'étant arrêtée, nous prîmes la direction des hauteurs de la ville avec le grand chef. Mais quelle déception sur le chemin lorsque nous avons traversé une immense décharge où des enfants travaillaient. Une odeur putride, de la fumée asphyxiante dans laquelle nous dûmes passer. Au sommet nous pûmes respirer tranquillement. Là, avait été construit pendant la guerre un fort, en fait une prison, où nous entrâmes rapidement. "Entendez-vous les âmes de ceux qui ont vécu ici?", merci Sylvain... A l'extérieur, c'était tout un autre spectacle. Une chaîne de volcans (sept) qui encerclaient à demi Léon. Et le soleil venait percer l'épaisse couche nuageuse dans un dégradé d'orange, et éclairait délicatement les cimes de deux volcans à collerette blanche. Tandis que la nuit tombait sur la ville et que le ciel s'assombrissait à nouveau pour laisser s'échapper quelques froides gouttes, nous reprîmes la route.

Nous retournions chez nos hôtes pour dîner: sandwichs au poulet. Ensuite nous fûmes conviés à un repas de fête annuel du groupe. Nous étions une quinzaine. Le grand chef fit un discours sur les activités de l'année et nous bûmes un rhum-coca, alimenté de frites, boulettes de viande, tortillas et choux. Très sympathique. Et moment mémorable, remise des foulards à nos quatre compagnons, maintenant forts de justice, travail et bonté. Et nous fîmes de beaux rêves vous pensez? Et bien, la nuit fut mouvementée à cause de la chaleur, malgré le ventilateur et la porte ouverte. Nous étions en fait logés dans une pequeña (minuscule) cuisine, serrés les uns contre les autres. Et nous nous retournions dans tous les sens les uns après les autres. Quelle importance, nous n'attendions qu'une chose, voir le pacifique! Nous nous dépêchâmes de ranger nos affaires car à 7h un ami de César venait spécialement faire l'aller et retour à la plage pour nous. D'abord nous prîmes un super petit déj: café au lait chaud, omelette au jambon, toast. Hum! Et c'était parti, une demi-heure de route et nous y étions. C'était magnifique. Poneloya, une plage immense de sable noir où la mer très agitée se jetait dans un bain moussant. Cela ne nous empêcha pas de nous baigner, pas le moins du monde. L'eau était excellente: ni trop froide ni trop chaude, le paradis quoi. Pour une fois, Nicolas ne sortit pas congelé. Nous fûmes les premiers à nous jeter à l'eau, alors que César et son ami s'y aventurèrent après. Nous plongions à travers les vagues, sortant ensablés. Puis nous jouâmes à faire des galipettes à deux, des rouler-bouler qui se terminaient souvent la tête la première dans l'eau. Mais fut venu le temps de se sécher pour repartir car notre chauffeur souhaitait nous faire faire un tour de la ville. Style colonial: grands toits de tuile, balcons, beaucoup de couleurs. Très joli. Il y avait aussi des paillotes le long des plages où se vendaient gâteaux et frescos. Les routes étaient bien moins abîmées, mais je ne sais combien de ralentisseurs parcouraient la ville et sa proche sortie, génial pour nos fesses...

Nous ne pûmes nous reposer un instant. A treize heures, nous quittions Léon direction Managua, la capitale. On nous conduit à l'arrêt de bus à 3/4 km du centre. Avec nous, voyageait Jorge, un biologiste de Managua qui était de passage en tourisme à Léon. Par chance nous attrapâmes au vol un pick-up, cette fois fermé où nous nous transformâmes en sardines, nous six plus les sacs! Dieu que la route fut longue. Le conducteur slalomait, freinait en urgence car la route n'était pas au même niveau à certains endroits, et doublait à toute allure. Au moins, nous arriverions tôt. Presque à destination, nous fûmes stoppés par une manifestation de catholiques, cortège bien gardé par des policiers portant des gilets pare-balles. Nous déscendîmes et nous en profitâmes pour nous dégourdir les jambes et prendre un peu l'air. On nous avait dit qu'il faisait une chaleur atroce à Managua, pourtant aujourd'hui il faisait bon car il pleuvait. Pourvu que ça continue. Nous réambarquâmes et un quart d'heure après nous étions dans la capitale. A l'entrée de la ville, beaucoup d'usines, quelques bidonvilles, et c'était là que nous étions déposés. Nous devions ensuite prendre le bus pour rejoindre l'Officina National de los Scouts à l'autre bout de la ville, où nous étions attendus. Il se remit à pleuvoir, heureusement le bus arrivait quasiment tout de suite. Ce bus était bien vétuste. Enfin la pluie cessa lorsque nous descendîmes. Jorge nous mena très gentiment jusqu'à l'ONS. Nous nous quittâmes donc, il était 16h30. Accueillis par le gardien du site nous fûmes directement installés dans le salon Baden Powell. Là était encadré le certificat de reconnaissance du mouvement Scout du Nicaragua, datant du 22/02/1946 et signé de la main de Baden.

Première mission: la douche, deuxième: trouver à manger. Ce qui n'était pas simple sachant que nous étions dimanche. Et il nous fallut pas loin d'une heure, mais sauvés. Après le dîner, trois personnes de l'office nous rendirent visite: Martin, Marcos et Hannibal. Trois phénomènes. Comme nous disions, "on sent que c'est du Da Costa". Ils nous mirent très à l'aise, "Ici vous êtes chez vous". Nous apprîmes qu'au mois de Juillet, des scouts de Nancy étaient venus à Managua et auraient par la suite passé deux semaines à Ometepe. Ils avaient l'air enchantés de leur passage. D'autant plus ravis avec nous car nous ne voulions parler qu'espagnol, bien que Marcos parlait mi-anglais mi-espagnol -ce qui était assez difficile à comprendre- et Hannibal qui parlait l'anglais couramment et comprenait un peu le français. Ils voulaient nous faire visiter la ville demain, comme nous l'avions prévu. Mais ça sera plus facile avec un guide comme Marcos. Nous avions ainsi rendez-vous à dix heures.

Après une nuit lourde, nous nous levions vers 7h30. Une douche rapide, jus de fruit et pain. Marcos arriva déjà que nous n'étions pas prêts. Nous espérions d'abord acheter des insignes et des chemises. Le triangle, symbole du pays, l'emblème Scout du Nicaragua, les noms de ville et leurs numéros. Cela fait, nous partîmes en visite dans le super tacot de Marcos. Décidément, c'est une tradition chez nous les voitures pourries... Nous passions devant la nouvelle cathédrale, inaugurée par le Pape il y a quatre ans. Oeuvre d'architecture moderne ressemblant à une bulle avec des cloques. Spécial. Un peu plus loin sur la route, nous croisions sur une colline une immense statue de bronze. Elle représentait un homme montrant du doigt, censée faire une ombre très étendue au coucher du soleil. En avançant, nous vîmes l'hôpital militaire. Au premier abord, nous pensions que c'était une caserne, mais non. Au fur et à mesure de la route apparaissait le Lac de Managua, cependant à peine visible tant il y avait de pollution. Un stade de base-ball à gauche, à droite un centre commercial avec autels, magasins, cyber-cafés... Nous croisions alors le premier véritable immeuble. Une casa de Jehova -décidément, ils sont partout-. Puis nous nous arrêtions à la poste pour Tristan, et nous en profitions pour continuer à pieds. Nous nous dirigeâmes vers une large place. S'y trouvaient le Palais National, l'ancienne cathédrale et le Palais Présidentiel. Nous pûmes admirer leur grandeur et leurs couleurs. Seule la cathédrale demeurait grise. Fermée au public, on observait des fissures à ses deux clochers et un endommagement global. Notamment, il n'y avait plus aucun vitrail. Petite pointe d'humour dans tout ça, deux bonhommes de Men In Black avec leurs pistolets lasers postés à chaque aile??? En se dirigeant vers le Palais National de la Culture passa une charrette tirée par un cheval, même dans une grande ville comme celle-ci vous voyez. Et bien plus impressionnant lorsque nous gravissions les marches de marbre vert pour pénétrer dans ce palais. Les plafonds étaient très élevés, d'où partaient de hautes colonnes. D'immenses fresques recouvraient les murs latéraux, ainsi que la façade au-dessus de l'escalier central, et quelques mosaïques plus bas. Au rez-de-chaussée, deux fastueux jardins avec palmiers, cocotiers et fleurs tropicales se cachaient sur les ailes. De là nous apercevions le balcon. Un peu d'histoire maintenant. Le Palais fut inauguré le 06 Janvier 1997 après restauration d'une dizaine d'années. Ce musée contient toutes les archives , la bibliothèque et le musée nationaux. Nous retournions sur la place et en sortions. Nous traversions ensuite un autre parc où s'érigeait une statue de Ruben Darion, l'ancien président de la république, surmonté d'un ange tel un saint (statue de 1933). Au loin les montagnes se dessinaient quand un imposant bloc de béton blanc vint nous faire de l'ombre: le Théâtre National. Marcos demanda à ce que nous le visitions. Et justement il y avait une exposition de peinture, d'un peintre japonais nommé Taizi Harada. Nous prîmes un large escalier pour monter au premier étage où se déroulait l'exposition. Trois gros lustres flottaient au-dessus de nos têtes. La pièce était parfaitement illuminée grâce à baie vitrée occupant toute la longueur de la façade, avec vue sur le lac. Nous pénétrions ensuite dans la salle de théâtre. Tout en rouge: sièges en velours rouge, murs tapissés en rouge, moquette rouge, mais seul le matelassage des balcons était doré. Il y avait trois balcons et une scène profonde.

En fait, le théâtre n'était qu'à une cinquantaine de mètres du lac. Le temps s'était beaucoup couvert et les eaux agitées brumisaient la courte digue sur laquelle nous nous étions postés. Le lac ressemblait plus un torrent de boue, mais semble-t-il que la cause en soit la roche volcanique et non la pollution comme les gens nous l'avaient dit. Particularité à signaler, l'eau est mi-douce mi-salée. Après nous montions pour prendre un passage menant à la Place Jean Paul II. Au centre, une colonne à l'effigie du Pape lors de sa visite le 31 Juillet 2000. Mais attention, nous nous sommes fait tirer les oreilles par un garde car il était interdit de monter sur les marches du monument. Nous repartions ensuite. En passant, nous nous arrêtions faire une visite express de l'université, très agréable avec ses parcs et ses nombreuses fontaines. Puis Marcos nous emmena dans un marché artisanal où nous avons acheté des souvenirs. Chacun y trouva ses petits trucs. Et pour ce qui était des souvenirs, il y en avait tant d'autres à venir.

CHAPITRE 7

Mardi, nous étions déjà le 20 Août. Nous regardions derrière nous, le temps était passé comme une flèche. Nous profitions de ces dernières journées. Chaque jour riche en rencontre, partage, échange et en découvertes. Aujourd'hui, nous allions à Granada. Nous partîmes à 9h pour que Marcos puisse nous déposer sur la carretera afin de faire du stop. Nous trouvâmes un camion qui put nous déposer à mi-chemin. Avec nous, il y avait deux autres hommes dont un roupillait paisiblement dans son hamac. Alors que nous étions sans cesse ballottés dans tous les sens. Nous retrouvions un chauffeur qui nous faisait grâce d'une demi-heure de route. Nous étions à un autre carrefour, celui de la route de Masaya et de Granada à encore une demi-heure. Nous n'eûmes pas de chance (encore une fois). Personne ne daignait nous prendre. Comme des pauvres malheureux nous tendions nos pouces souriant comme des bêtas. Nous fûmes donc dans l'obligation de prendre le bus au vol. Au terminal des bus, deux scouts nous accueillirent, le chef de groupe et un chef scout: la 13ème de Granada. Ils nous saluèrent également très militaire. Avec leurs casquettes de camouflage ils nous faisaient bien rire. Chef oui chef! Ils nous conduirent à notre lieu pour la nuit: une caserne de pompiers! Nous avions une grande salle rien que pour nous, sauf qu'il manquait un morceau de porte. Et qu'il n'y avait pas de lumière dans les douches et les toilettes dont les portes ne fermaient pas...

Nous étions en train de déjeuner lorsque se présenta le commandant des lieux. Très sympathique mais sérieux. Ensuite nous partîmes avec nos deux amis. Alfredo, le chef de groupe était très bavard en tout cas. Communément aux villes précédemment visitées, il y avait énormément d'églises dont les clochers dépassaient fièrement. Deux étaient pratiquement en ruine. La première sur notre chemin, où il ne restait que la façade peinte en bleue, était désormais rattachée à l'enceinte d'un musée culturel. Nous en fîmes la visite: peintures primitives, statues anthroposophiques, des restes de céramique et autres poteries, le mode de vie des indigènes. C'était très intéressant. Nous marchions ensuite vers les rives du lac .Les rues étaient jolies avec les maisons coloniales et bordées de grands arbres, parfois aux formes étranges. Nous passâmes aussi par un parc touristique où Tristan, Sylvain et Nicolas firent trempette. En revenant au centre ville, nous attrapâmes un bus pour Masaya. Nos amis scouts nous montrèrent un fort où il y eut des tortures -un autre-. Équipés de nos lampes torches, nous avons parcouru les souterrains sombres qui nous donnaient la chair de poule. Hormis ces vestiges du passé, nous pouvions observer les alentours perchés sur une tourelle. Une journée de grand air qui nous a fatigué. Nous avions besoin d'un bon gros dodo.

Sauf que dormir chez les pompiers, ce n'est pas très reposant. Entre les alertes, les camions, les gens qui passent et repassent en courrant... De plus, une longue journée se préparait, voyage à l'île d'Ometepe. Un camion nous transporta à mi-chemin. Puis nous avons voyagé dans un autre camion qui s'arrêta deux fois pour acheter des pastèques. La deuxième fut la bonne et nous aidâmes à charger. Nous en profitions pour en déguster une, et Tristan pour s'en mettre deux sous le coude. On nous déposa à l'entrée du port de San Jorge où un ferry faisait la liaison avec l'île aux volcans. Une heure de traversée et nous posions pied sur cette terre brûlante, enfin, façon de parler. N'empêche qu'il faisait très chaud. Beaucoup de touristes venaient s'y promener. Et quand on nous proposa un mini bus pour traverser l'île, devinez combien un peu pour voir... 115 dollars! Oui oui, des dollars américains. Comme tout bon scout qui se respecte, nous prîmes nos pieds. Le paysage était magnifique. D'un côté le lac et ses plages, de l'autre les majestueux volcans. Le plus fameux, la Conception dominait avec sa cime blanche où l'on distinguait à peine le cratère. Les pentes verdoyantes gardaient les traces de plusieurs coulées de lave noircie. Nous prenions alors la route de Santo Domingo. Cependant, nous eûmes les yeux plus gros que le ventre. Sur quelques centaines de mètres, nous profitions d'une charrette tirée par deux petits chevaux. Le paysan n'avait jamais entendu parler de scouts -on lui pardonne- et n'avait jamais vu une carte de sa vie, et découvrait ça comme un gamin, même si au début il ne comprenait pas bien ce que cela représentait. Par contre il put dire que Cécilia était gorda (grosse) comparé aux filles delgada (minces) d'ici. Ca fait toujours plaisir. Selon les garçons, il fallait prendre ça comme un compliment. Bref. Ses deux bêtes se fatiguèrent rapidement et nous dûmes descendre. De toute façon, il tournait peu de temps après. Nous fîmes un petit bout de chemin à pied. Ouf, un bus passa. Excepté qu'il s'arrêtait à Altagracia encore à une heure de route de Santo Domingo. Nous y fîmes donc notre pause déjeuner, et nous attendions le bus. Nous patientions, toujours rien... A 16h30 enfin, il arriva. En route! Un vrai rallye à travers la jungle, où quelques minuscules villages étaient éparpillés. Une nature riche en couleur nous entourait. Tout un spectacle que les gens de l'île semblaient ignorer -sans doute par habitude-. Plus beau encore était à venir: la plage. Nos pieds foulant le sable fin, nous courrions déposer nos sacs sous un arbre. Nous enfilions nos maillots en deux-deux, et goûtions à la température exquise de l'eau. Et des vagues, par lesquelles nous nous laissions porter. Tandis que le vent redoublait en force et que la nuit bleutée se posait sur l'horizon, nous partîmes à la conquête de vivres. Du thon dégusté avec du pain. Un royal dîner pour une royale nuit sur cette plage. Mais elle fut écourtée par la pluie, qui nous poussa à nous réfugier dans une maison en construction laissée à l'abandon. Sylvain, Tristan et Cécilia y retrouvaient Philippe et Nicolas qui avaient été plus malins. Notre sommeil fut un tant soit peu perturbé par d'adorables chauve-souris poussant leurs cris aigus au-dessus de nos têtes, dans des va-et-vient incessants.

Le réveil fut matinal, 5h30. Nous pliions bagages lorsque Tristan tomba sur un scorpion qui s'était logé juste derrière l'emplacement de sa tête. Charmant... Nous reprîmes alors le chemin du port de Moyogolpa. A pied puis en bus. Arrivés à bon port, nous ne savions que faire car nous avions fait le tour de l'île. Tout le monde n'était pas motivé pour l'ascension de la Conception vu le temps et le brouillard épais qui recouvrait ses flanccs. Ce n'étaient pas les conditions idéales. Seul Tristan décida de s'y aventurer. Seulement, les autres souhaitaient vivement rentrer sur la terre ferme. Nous décidâmes que Cécilia attendrait Tristan pendant que les trois autres retournaient à Managua. Ils y avaient quelques affaires que de toute façon nous serions passés chercher le lendemain. Nicolas, Sylvain et Philippe reprirent donc le bateau à midi. Cécilia s'installa à l'endroit convenu avec Tristan de manière à ce qu'ils ne puissent pas se louper. 12h30, déjeuner pour Cécilia qui s'occupe après tant bien que mal. Une heure trente passe, pas d'inquiétude car il est parti à neuf heures et demi, et lui faudra bien sept heures pour gravir la montagne, aller et retour. Pendant ce temps-là, les trois garçons prenaient le bus pour Managua. Deux heures, deux heures trente, les minutes s'écoulent lentement. Déjà bientôt 17h et toujours pas de Tristan. Elle commence vraiment à tourner en rond et surtout à s'inquiéter. Guettant sans cesse la rue et spécialement le quai -des fois que- depuis le départ, l'aurait-elle manqué? Endossant son sac, elle alla téléphoner à l'ONS où les garçons devaient déjà être arrivés. En effet, ils étaient là depuis 16h. Ils attendaient dehors car une réunion se tenait dans la salle Baden Powell. Elle eut Nicolas, et non, Tristan n'était pas là. Nous convînmes d'attendre jusqu'à 18h-18h30, et Cécilia rappelait si Tristan ne montrait pas le bout de son nez. Manque de bol, il se mit à pleuvoir. Vu l'heure, notre scoute s'activait et demandait quand le dernier bus arrivait. Il y en avait un à 17h30, 18h et le dernier à 19h, un peu plus haut à l'église. Cinq heures et demi, pas de Tristan. Allez, encore une demi-heure d'attente. Six heures, nada. Ses nerfs commencent à lâcher. De leur côté, les zozos mangeaient tranquillement du bon poulet. Cécilia décida de s'avancer vers l'église pour guetter le dernier bus. Presque arrivée, un pick-up s'arrêta le long du trottoir d'où un homme sortit. Elle le reconnut, elle lui avait demandé tout à l'heure quand partait le dernier bateau, déjà bien loin. Il lui dit qu'en fait il n'y avait plus de bus et qu'il avait aperçu un jeune homme aux cheveux jaunes, en l'air, avec une chemise verte prendre le large vers 14h30. Panique! Elle fonça téléphoner. Quelle surprise, Tristan était à Managua, en vie. Il était arrivé vers 18h30. Bon, ce n'est rien. Elle est toute seule, il lui faut trouver à manger et surtout un endroit où passer la nuit. Elle redescend donc vers le port. Elle se dirige vers la femme de l'autel qui l'avait (mal) renseignée sur les bus, et lui explique qu'elle est seule sur l'île et qu'elle n'a nulle part où dormir. On lui ouvrit alors gentiment une chambre, avec un vrai lit et un ventilateur. Pour la remercier, elle lui offrit la pastèque de Tristan -vengeance!-, ne pouvant pas payer entièrement la note, assez salée vu la teneur touristique du site. Puis elle put se coucher.

La nuit fut bien courte, réveillée deux ou trois fois par des hurlements d'hommes apparemment saouls. 4h30: lever! La femme de l'autel discutait déjà avec une amie, et une autre femme sortait de sa douche. Comme les poules. Le premier bateau quittait l'île à cinq heures et demi. A cinq heures sur le quai, pas vraiment réveillée, Cécilia embarquait. Il n'y avait qu'une quinzaine de personnes à bord, tous silencieux. Le ciel s'éclairait doucement. A 6h15, on accostait à San Jorge. Un bus était prêt à partir pour Managua: l'expresso. Tristan devait la récupérer vers 8h30 au terminal de bus. Elle arrivait à huit heures et quart. Elle se plaça bien en évidence mais elle ne voyait rien venir. 9h, 9h30... C'est pas vrai, ça recommence. Là il se mit à tomber des cordes et des cordes. Elle attendit une accalmie et alla téléphoner aux garçons. Ils arrivaient. Mais elle eut un instant de doute, était-ce réellement le terminal? Elle demanda à une vendeuse qu'il lui indiquait derrière. La bonne blague, là où le bus l'avait déposée, ce n'était pas le terminal. Pourtant tous les voyageurs étaient descendus. Se dirigeant alors vers le bon endroit elle sentit qu'on lui Sautait dessus. C'était Philippe. Soulagement. Il la conduisait à Tristan qui sagement poireautait depuis deux heures, lui aussi. Nicolas et Philippe qui étaient venus à pied étaient trempés jusqu'aux os. Nous rentrâmes à l'ONS où Sylvain attendait. Cette mésaventure nous fit bien rire, après coup. C'était cocasse, car au moment où Tristan avait pris le bateau, Cécilia s'était absentée cinq minuscules minutes pour faire un petit pipi. Et ils s'étaient croisés! Conclusion: ne jamais se séparer. Cécilia prit d'abord une bonne douche. Nous étions morts de faim. Petit extra: la secrétaire de l'office nous commanda un repas typique de la ville. Il y avait une espèce de sauce orange compacte avec des morceaux de viande, laquelle on ne sait pas. Il y avait des flotteurs dans le fresco, rose fluo, chimique tout ça. Mais ça faisait tellement de bien de se remplir la panse. Ensuite vers 12h30 lorsque nous nous apprêtions à faire nos adieux, Hannibal nous invitait à assister à une réunion qui se tenait à treize heures à l'Université. Nous acceptions avec plaisir. De toute façon, rien ne nous pressait pour rentrer à Esteli. Arrivés à l'université, il n'y avait encore personne et il était déjà 13h30. D'attendre, là ça risquait de nous faire trop tard. Par conséquent, nous reprenions directement la route. Nous fîmes nos adieux à Hannibal.

Un bus nous conduit à la sortie de la ville sur la carretera del norte, la route d'Esteli. A peine déposés, nous nous prenions une sacrée sauce. Nous nous abritions sous un abri bus, pas très couvrant mais c'était déjà ça. Un torrent de boue s'était constitué sur la voie en travaux, et à chaque passage d'un véhicule, c'était la douche assurée. D'autant que certains semblaient intentionnellement accélérer devant nous. Il y avait un bel embouteillage. La pluie s'étant calmée, nous retentions le stop. Un quart d'heure pour attendrir les automobilistes. Un pick-up nous prit mais juste pour cinq kilomètres. C'était toujours ça de pris. Cinq minutes après, nous aperçûmes le bus pour Esteli, et vu le temps, il était préférable d'être au chaud. Il nous fallut tout de même quelques instants de réflexion: "on le prend, on le prend pas...". Nous sautions alors hors du véhicule, remerciant le conducteur, et montions en vitesse dans le bus. Et nous fûmes réchauffés. Il était bondé et nous étions collés les uns aux autres. Nous devions nous pousser au fur et à mesure des arrêts et nous tortiller pour laisser passer le contrôleur. Nous restions ainsi une bonne moitié du voyage. Puis des places se libérèrent et nous posâmes nos séants, ouf. La route paraissait longue. Effectivement, nous étions sortis de la carretera, empruntant les petites routes et s'arrêtant à plusieurs villages. Trois heures après, nous étions à Esteli. "Coucou c'est nous, nous revoilà!". Tous contents d'être rentrés, nous filions au Despertar. Douche, déballage des sacs, courses. Enfin nous dînions, et quel repas mes amis. Nous commençâmes par des pâtes au ketchup. Mais ça ne suffisait pas. Nos estomacs réclamaient plus. Tristan se dévoua alors pour aller chercher deux paquets de spaghetti. Entre temps, Philippe mit l'eau à bouillir. Deuxième tentative achevée: encore! Tristan retourna donc acheter des pâtes. Cette fois, c'était la bonne. Et dodo bien repus.

Samedi, fut dédié au repos, au rangement et un peu de shopping. Nous repassions à la Cassita que nous avions adorée. Tristan prit du café et des graines, Nicolas et Philippe revinrent avec trois plantes chacun. Nous apprîmes avec surprise que le propriétaire des lieux était écossais, qui par amour du tropical était venu s'installer il y a une quinzaine d'années. Et nous disions au revoir à ce petit coin de paradis.

Le soir, nous étions invités à dîner chez Alonzo et Modesta avec Jean. Nous parlions de notre séjour, se remémorant quelques anecdotes. Nous rigolions beaucoup. Et Modesta nous avait préparé un délicieux repas: riz, poulet, chou en salade, tortillas, maïs en épi avec de la crème, patates... Tout ce que nous aimions, hum. Alonzo nous demanda si nous pensions revenir un jour. Réponses hésitantes. Nous ne sûmes pas trop quoi répondre. Oui, certainement un jour mais quand, nous ne le savions pas. C'était incroyable l'attention qu'ils portaient à nos impressions. Ils voulaient savoir si nous avions aimé leur pays: la nourriture, les paysages, les gens, tout tout tout. Bien sûr nous leur rappelions combien ils avaient été accueillants, Alonzo et sa femme lors de notre arrivée, Ricardo pour nos premiers jours qui nous faisait ressentir l'envie de réellement nous intégrer, Jean qui nous présenta beaucoup de gens... Il y avait une très longue liste: Don José, Don Alfredo le maçon, les jeunes de la paroisse, Carlos, tous les scouts que nous avons rencontrés, Chépita et son amie, la suisse, Doña Carmen et les enfants du quartier San Francisco. Tant de gens qui nous ont marqués.

Vous vous demandez très probablement qui est cette "suisse". Et bien, nous allons faire un petit flash-back. Le deuxième dimanche, une jeune femme débarqua au Despertar. Elle était blanche. Intrigués, nous lui disions simplement bonjour. D'emblée elle se présenta. Elle se nommait Ariane et venait de Suisse. Elle nous expliqua qu'elle travaillait pour une association que des femmes d'ici avaient montée en collaboration avec son pays. Ces femmes désiraient s'instruire et Ariane était ici en tant que professeur d'anglais. Chaque dimanche et des fois en semaine, elle donnait ses cours ici au Despertar. C'était donc la raison de sa présence. Nous l'invitâmes à dîner le soir même. Elle fut très intéressée de savoir ce que nous faisions au Nicaragua. Très contente de rencontrer des scouts, elle nous félicita pour notre projet. C'est ainsi que nous fîmes connaissance avec la suisse. Nous la revîmes deux ou trois fois après.

Nous terminions tranquillement la soirée chez Alonzo et fut venu le temps de leur dire adieu. Nous fîmes quelques photos que nous leur enverrons par la suite. Nous offrîmes du parfum à Modesta et un de nos foulards à Alonzo. Nous avions tous un petit pincement au cœur.

CHAPITRE 8

Dernier jour à Esteli, nous sommes un peu tristes.

Après la messe, nous passions à la casa de Carmen pour prendre des photos. Quelle fierté devant notre travail. Les fenêtres avaient été installées, la barrière de devant qui tombait en ruine enlevée et il y avait une jolie haie de plantes. C'était génial de se dire que ça ressemblait à quelque chose, et non plus un cabanon. Ces murs qui d'apparence ne signifiaient rien, renfermaient pourtant notre sueur et tout le cœur que nous y avons mis pour les bâtir, parpaing après parpaing devant les yeux écarquillés d'une famille qui voyaient comme un rêve se réaliser. Cécilia demanda à Mycol s'il était content d'avoir une nouvelle maison. Avec un grand sourire, il lui répondit oui. Et toujours aussi généreusement, Carmen pour nous remercier nous paya l'apéritif avec quelques gâteaux. Nous en fûmes touchés. Mais nous devions les quitter. Elle nous serra tous dans ses bras nous remerciant. Et nous repartions heureux.

En chemin, Jean nous attrapait pour aller chez lui (il louait une chambre) où se déroulerait la petite fête prévue en notre honneur. Nous étions bien 18 à l'arrière de son pick-up -Ca, je crois que c'est vraiment un truc qui va nous rester, toutes ces ballades en pick-up, c'était génial!-. Nous arrivions et il y avait déjà trois jeunes de la paroisse, installés dans un salon de jardin. Devant cette terrasse couverte, il y avait un jardin fleuri qui occupait le centre de la demeure. Il y avait plusieurs chambres de louées et il y avait sans cesse du passage, alors que nous remplissions l'espace au fur et à mesure des arrivées. Nous étions bien vingt cinq. Don José était là également. Les jeunes commencèrent à jouer, ils avaient emportés deux guitares et un accordéon. Jamais de fiesta sans musique! Nous chantions, enfin, ils chantaient. C'était agréable. Nous discutions aussi et faisions plus ample connaissance avec certains. Que faisions nous dans la vie, ce que nous avions visité pendant notre séjour... Le grand chef arriva: Ricardo. Il prit les choses en main. Allez les filles, à la cuisine. Il fallut éplucher les oranges pour les presser, râper le chou pour la salade, couper les tomates, mettre le riz à cuire. Heureusement, il y eut quand même trois garçons qui vinrent nous aider. Le repas en préparation, nous nous rassemblions pour quelques danses. Jean était bien accompagné en tout cas. Don José nous interpréta une de ses chansons de son groupe de Marriachi. Il avait une très belle voix. Puis vint le moment de déjeuner. Nous avions le droit à un jus de fruit, mais dès que nous mîmes le nez dedans, beurk, il contenait des nancites. Des affreux petits fruits jaunes, pas particulièrement appréciés de nos palais. Ils avaient une odeur forte que nous avons tout de suite reconnue. D'ailleurs le long de la carretera il s'en vendait et à chaque fois nous nous bouchions le nez tellement ça puait. Et je me rappelle la première fois que nous en avons mangés. Nous fûmes obligés de les mâcher de peur de froisser Carmen qui était contente de nous faire goûter ce fruit typique, et qui nous regardait: "Te gusta, tu aimes?". Un supplice... Bref. En dessert, nous eûmes le droit, attention, à de la glace! De la bonne glace à la vanille. Délicieux.

D'autres chants furent entonnés, français et nicaraguayens. Et ils avaient l'air d'apprécier nos airs: Fanchon, Viens un peu voir à côté, la marseillaise... Et nous, nous préférions la chanson d'Esteli, Nicaraguita. Sur la fin, Ricardo nous invita à donner nos impressions sur le pays et à leur apprendre quelques mots de notre langue: oui et non, compter jusqu'à cinq, moi et toi, bonjour... ce n'était pas une mince affaire. Nous les remercions tous pour leur accueil et ce qu'ils avaient fait pour nous, ce partage sans limite. Qui aurait-cru que des gens si différents de par leur mode de vie et leurs traditions, auraient pu apprendre tant les uns des autres et se donner autant de bonheur? Sur le plan humain, ce voyage avait été si riche et si enrichissant, un réel échange. La solidarité que nous étions venus apporter en construisant cette maison, ils nous l'avaient rendu mille fois plus avec le peu qu'ils avaient. Mais nous rentrions chez nous.

Et toujours dans la joie, Jean nous ramenait au Despertar où nous lui fîmes nos adieux. En tout cas, un grand bravo à ce prêtre qui depuis plus de quinze ans redonne espoir à ces gens, étant très présent dans leur vie: le dispensaire, l'église, l'association Maison Digne, les communautés dont il s'occupe dans les montagnes, ses cours aux infirmières. Et surtout pour nous, nous avoir permis de vivre tout ça, d'être venus au Nicaragua et d'avoir vu ce que nous ne voyions qu'à la télévision sans trop regarder. Nous avons touché du doigt la pauvreté et senti la détresse de certains. Touchés par cette injustice, nous sommes forts de cette expérience et je pense que notre regard sur le monde a beaucoup changé.

Nous ne perdrions pas le contact, et qui sait, un jour repartir avec l'association pour construire d'autres maisons? Et Jean nous quittait.

Maintenant, nous regardions devant nous car demain c'était le grand départ. Nous étions tous un peu tendus car il fallait que tout soit prêt. Nous finissions de faire nos sacs que nous pûmes mettre dans les malles. Ramasser tout ce qui trainait. Puis dernière séance de discussion sur les matelas et dernier conseil sous le préau, dernier foot. Chacun profitait du mieux qu'il pouvait de cette ultime soirée. En parlant de profiter, je vais vous raconter une petite histoire. Celle d'un supermarché qui ne savait -ou ne voulait- pas rendre la monnaie. Alors comme nous ne reviendrions pas, nous nous sommes vengés à notre manière. Nous restant cent trente neuf cordobas en monnaie, c'est-à-dire en belles petites et nombreuses pièces, nous décidâmes de faire nos courses. Rien de bien méchant jusque là. A la caisse, il fallut payer. Alors chacun à notre tour, nous sortîmes une à une les pièces jusqu'à ce que le compte soit bon. Mais nous compliquions la chose ensuite en déposant la monnaie en même temps. La pauvre fille avait du mal à compter. Si bien que douée comme elle était, elle nous rendit de la monnaie. Pour toutes celles qu'il nous avait piquées! Nous nous réjouissions de ce mesquin petit tour. La vengeance est un plat qui se mange froid...

Et nous dégustions notre dîner chaud, tous ensemble. Ensuite chacun avait prévu sa petite soirée. On pouvait se coucher ou sortir, libre à nous. Philippe, Sylvain et Nicolas choisirent de faire leur dernier CG. Mais qu'est-ce donc qu'un CG? Traduction: coca-gaufrettes. C'était leur goûter de tous les jours, un de leurs rituels, mais rien qu'eux trois. Tandis que Tristan et Cécilia allèrent jouer au billard avec Norlan, Wascar et Thibault (pardonnez pour l'orthographe, mais nous ne la connaissons pas alors nous l'avons écrit comme en français). Cécilia a joué comme un pied, et Norlan nous a tous battus. Nous rentrions ensemble au Despertar et les trois autres n'étaient pas encore là. Nous restions à discuter un peu sous le ciel étoilé. Quand Ariane arriva pour emmener Cécilia manger. Et Tristan resta encore un peu avec les autres jusqu'à ce que les trois reviennent, puis ils se couchèrent. Moins raisonnable, Cécilia rentra en dernier vers minuit tandis que les garçons ronflaient tranquillement.

Lever cinq heures avec la nuit, branle-bas de combat. On sort tout, on remet en ordre, on passe un coup de balai, douche pour Nicolas et Philippe (les autres l'ont prise la veille rassurez-vous), petit déj. Tout ça en une heure montre en main. Six heures: en route! C'est le grand saut. Ricardo arrive accompagné d'Antonio qui va nous conduire à l'aéroport. Il y a aussi Norlan et Wascar qui sont venus spécialement nous dire au revoir. Chepita passa récupérer les clés de la chambre. Nous chargeons le pick-up et remercions Chepita pour nous avoir logés, et elle nous confie une lettre à poster en France.

C'était le moment. Nous grimpons sur le pick-up. Adieu le Despertar! Nous entrons sur la carretera. La route défile et nous nous éloignons, pensifs. Puis la ville disparaît peu à peu. Nous admirons les splendides paysages, et nous rêvons, la tête remplie de souvenirs. Adieu Esteli!

Nous sommes à Managua à 8h30. L'avion décolle à 11h00. Nous tournons d'abord en rond. Puis nous discutons de quelques bons moments encore, entre nous, avec Ricardo. Jusqu'au bout il reste. Et nous partons. Une poignée de main pleine de gratitude avec notre ami et nous marchons vers l'embarquement. Nous attendons encore quelques minutes. Enfin nous nous envolons. Adieu Nicaragua!

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